Question de cohérence — ne pas fausser son jugement

Pas concerné·e, comment je montre mon soutien adéquatement ?
Versus
Allié·e, manifeste ton soutien, sincèrement et constamment/en toute circonstance !

Dans une optique de soutien aux communautés LGBTQIA+, la cohérence entre les paroles et les actions est essentielle. Comment éviter l’hypocrisie de la façade « friendly » et passer à une réelle inclusivité ? Comment ancrer nos pratiques et intentions de manière “juste”, sincère, afin d’être de véritables allié·e·s? 

Ne pas céder à l’appel des sirènes

“L’organisation dans laquelle je travaille a récemment été « approchée » par un·e élu·e local·e qui proposait de nous soutenir pour une nouvelle offre de services. Après avoir découvert que cette personne avait soutenu des lois discriminatoires à l’encontre des familles homoparentales, nous avons refusé leur offre de partenariat. Nous ne pouvions pas en bonne conscience soutenir une entité qui violait les droits fondamentaux de nos publics LGBTQIA+ et de leurs familles.”

“Je suis reconnaissant·e envers les associations qui prennent position contre les discriminations à l’encontre des communautés LGBTQIA+. C’est réconfortant de savoir que dans un contexte tel que le nôtre, il y a des personnes prêtes à résister à des propositions avantageuses.”

Alors que la société progresse vers une acceptation plus large de la diversité sexuelle et de genre, il est facile de tomber dans le piège de la complaisance. D’autant plus que chaque avancée sociale suscite des réactions d’opposition parfois virulentes. Ainsi, il est nécessaire de maintenir une vigilance constante et un engagement actif envers l’inclusion et l’égalité. Résister à l’appel des sirènes implique de rester constamment engagé dans la lutte pour les droits LGBTQIA+, en s’efforçant de créer des environnements véritablement inclusifs et sûrs pour toutes les personnes, quelle que soit leur orientation sexuelle ou leur identité de genre.

Surfer sur la vague arc-en-ciel

“J’ai travaillé avec des structures qui profitent de la visibilité donnée aux enjeux LGBTQIA+ pour se donner une bonne image, voire pour décrocher des subsides ou aides structurelles. Mais quand il s’agit de passer à l’action, elles sont absentes. C’est décevant et trompeur. Pas de dons, pas de ressources, pas de soutien, juste des mots vides.”

“Quand je vois des focus sur des personnes ou assoc’ inconnues dans nos réseaux qui font des communiqués de presse tapageurs sur leur soutien à notre communauté, ça me rend malade ! Une fois les caméras éteintes, il n’y a parfois aucun soutien concret. C’est plus de la gloriole que de l’engagement réel.”

Progressivement, les thématiques et problématiques LGBTQIA+ gagnent l’attention des pouvoirs politiques et celle de la société civile. Cette visibilité croissante est le fruit du long et conséquent travail de militance et de lobbying mené par les associations et mouvements, collectifs qui portent la défense des droits des personnes LGBTQIA+ avec énergie. Malheureusement, il devient courant de constater un nombre grandissant d’associations et d’organisations qui semblent « profiter » de cette cause pour « gagner » des bénéfices, qu’ils soient financiers ou liés à leur réputation.

Valeurs assurées, engagements affirmés

“En tant que travailleur·euse social·e, j’ai souvent été confronté·e à des organisations qui se disent LGBTQIA+ friendly en surface, mais dont les pratiques internes ne reflètent pas cet engagement. Par exemple, lors d’une réunion d’équipe, j’ai proposé d’intégrer des formations sur la diversité de genre et l’inclusion dans notre programme de développement professionnel. Malheureusement, mes collègues ont minimisé l’importance de ces formations et ont préféré se concentrer sur des sujets plus traditionnels. Cela montre un manque d’engagement concret et une résistance au changement.”

“J’ai assisté à un atelier organisé par un centre communautaire autour de l’amour et des questions de genre. Les animateur·rice·s semblaient bien intentionné·e·s, mais iels n’avaient pas de connaissances approfondies sur les spécificités des personnes pansexuelles. Lorsque j’ai posé des questions, iels ont donné des réponses vagues. Je reste dubitatif·ve sur ce genre d’initiative où les sujets abordés ne sont pas maîtrisés.”

Le décalage entre les discours de tolérance et les pratiques réelles illustrent ainsi un phénomène courant où les engagements proclamés ne se traduisent pas toujours par des initiatives effectives. Cette dissonance soulève des questions essentielles sur l’authenticité des efforts d’inclusion et met en évidence la nécessité d’une véritable compréhension et d’une action concertée pour créer des environnements réellement accueillants et inclusifs pour toutes les identités de genre et orientations sexuelles.

Derrière la façade

“Je ne supporte pas quand des structures inondent les réseaux sociaux de message pour la Pride, mettant en scène leurs équipes grimées aux couleurs de l’arc-en-ciel. Quand tu jettes un œil sur leur site ou dans leurs publications, aucune initiative d’inclusion n’est prise. Quelle hypocrisie !”

“Je ne comprends pas pourquoi des services affichent et affirment sur leur vitrine être un centre inclusif et intersectionnel, alors qu’à l’intérieur rien n’est réfléchi. Une simple « étiquette » ne suffit pas, c’est l’ensemble qui doit être cohérent. Je me souviens d’un endroit où le drapeau arc-en-ciel arborait fièrement une des fenêtres, sitôt la porte poussée, je me suis retrouvée dans une salle d’attente remplie d’affiches très genrées et centrées sur « un couple = un homme & une femme ». Même les toilettes étaient genrées. Quand on s’affiche « safe », le minimum c’est quand même de se renseigner sur ce qui peut être discriminant, violent, de s’être informé·e·s et d’être respectueu·se·s. Sinon ce n’est pas safe du tout !”

La cohérence d’une démarche inclusive se manifeste aussi par des détails, qui bien souvent n’en sont pas tant ! Le fait de disposer des flyers aux thématiques variées et inclusives dans la salle d’attente, d’y proposer des badges ou pin’s avec le drapeau LGBTQIA+ colore l’environnement d’une certaine signification. Ces éléments communiquent implicitement un message essentiel : « Nous comprenons vos spécificités et nous vous accueillons telles que vous êtes, sans nécessiter d’explications ou de justifications ». Cette approche discrète est perçue comme une marque de considération et d’inclusion par ceux concernés, tandis qu’elle reste neutre pour les autres. En mettant en avant ces symboles, l’établissement démontre son engagement envers la diversité et le respect des individus, créant ainsi un espace où chacun·e se sent reconnu·e et accepté·e.

Mascarade & usurpation

“Je milite dans un collectif autonome, nous travaillions sans rémunérations, nous n’avons pas de subsides. Récemment, une grande organisation du coin a repris nos idées (nos cycles d’animation) sans créditer notre travail. C’est du vol et du mensonge ! Cela trompe le public quant à leur véritable engagement envers les communautés LGBTQIA+.”

“En tant qu’artiste queer, je crée pour exprimer mon identité et défendre nos droits. Voir de grandes marques récupérer nos esthétiques sans comprendre nos luttes réelles me pousse à redoubler d’efforts pour rester authentique et résister à la dilution de notre message dans un océan de couleurs arc-en-ciel sans substance.”

Les artistes et les collectifs autonomes investissent temps, énergie et créativité pour défendre leurs identités et leurs droits. Cependant, des entités plus importantes réutilisent souvent ces esthétiques, idées et actions sans reconnaître leur origine. Cette récupération opportuniste entraîne une perte de sens et d’authenticité dans le paysage de la visibilité LGBTQIA+. Qui détient le pouvoir de narration et de représentation ? Les implications profondes de la commercialisation et de la récupération des luttes LGBTQIA+ pour des gains opportunistes sont à considérer. Préservons l’intégrité et la singularité d’un message authentiques en résistant à la dilution de leur message dans une mer d’exploitation symbolique dépourvue de substance réelle.

Le syndrome de la Schtroumpfette

“De ma place de chef·fe d’équipe, je suis déboussolé·e par la question des quotas et de la représentation. Autant je trouve important de pouvoir compter un maximum de diversité au sein des équipes, autant chercher toutes les lettres de l’acronyme pour représenter tout l’arc-en-ciel me semble bizarre. Je me sens coincé·e, peut-être c’est une forme de mauvaise volonté inconsciente ?”

“Je suis trans, et je suis la·le seul·e dans un groupe prétendument inclusif. Ma présence ne fait que masquer le manque de véritable diversité et complexité au sein de notre communauté. Je ne suis pas une représentation unique de tous les vécus trans. J’ai parfois l’impression d’être l’ami gay dans une mauvaise série télé. C’est épuisant.”

Le « syndrome de la Schtroumpfette » est un phénomène qui met en lumière la manière dont une seule figure féminine peut être réduite à représenter l’intégralité des femmes dans un groupe majoritairement masculin. De la même façon, quand il s’agit de démontrer une représentation inclusive de la communauté LGBTQIA+, un comportement similaire peut survenir, où une seule personne gay, bi, lesbienne ou trans est embauchée pour répondre à des objectifs d’équité. Cependant, cette approche superficielle ne réussit pas à refléter adéquatement la diversité réelle et complexe de la communauté. Il est donc crucial que les représentations soient établies de manière réaliste et appropriée.

QUE RETIENT-ON DE TOUT CELA ?

La question de cohérence dans l’engagement envers les communautés LGBTQIA+ est cruciale. Entre le simple affichage de soutien et une réelle implication, le fossé peut être grand. Rester vigilant·e face aux sirènes de l’opportunisme, qui exploitent parfois la cause pour des intérêts personnels, est essentiel. Seule une action sincère et constante, allant au-delà des mots et des apparences, peut véritablement soutenir l’inclusion et l’égalité. Surfer sur la vague arc-en-ciel ne suffit pas ; il faut un engagement profond et authentique pour créer des environnements sûrs et inclusifs. La cohérence entre les discours et les actions est la clé d’une véritable démarche inclusive. L’hypocrisie de la façade « friendly/sympathisant·e·s », où les gestes concrets font défaut derrière les discours pompeux, est une forme de tromperie préjudiciable.

À l’instar de ces grandes compagnies qui se targuent de faire de grands gestes pour l’environnement alors qu’elles polluent les cours d’eau, évitons de nous cacher derrière les symboles LGBTQIA+ pour masquer nos pratiques potentiellement oppressives.

Les détails révèlent souvent la sincérité d’une démarche d’inclusivité. Des actions concrètes, telles que des formations appropriées et une réflexion approfondie sur l’inclusion, sont essentielles pour soutenir réellement les communautés LGBTQIA+. La récupération opportuniste des esthétiques et des luttes LGBTQIA+ par des entités plus puissantes est une réalité décevante. Face à cela, la préservation de la singularité des voix LGBTQIA+ autonomes est primordiale. Rester fidèle à ses convictions et résister à la dilution de son message dans un océan de couleurs superficielles demande un engagement personnel et collectif. La représentation véritable et diversifiée est essentielle pour une réelle inclusion des communautés LGBTQIA+.

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