QUESTION DE FORMATION – QUE FAUT-IL APPRENDRE ?

Quelle(s) formation(s) suivre et où puis-je apprendre le nécessaire ?
Versus
Est-ce bien à moi de toujours devoir faire preuve de pédagogie ?

Lorsque l’on parle d’une posture adéquate à adopter dans les métiers de l’écoute, de la relation d’aide, de l’accompagnement social, médical ou psychothérapeutique, l’on désigne des notions telles que la bienveillance, l’accueil inconditionnel (sans jugements, ni moral, ni valeurs), l’écoute et le respect de l’autre. Qu’en est-il des « ingrédients » supplémentaires à injecter dans le travail avec les personnes LGBTQIA+ ? Quels sont les éléments à adopter, qu’ils soient théoriques ou pratiques, afin de proposer un suivi toujours plus adéquat ?

J’en ai pas besoin, y a qu’à demander

“Franchement, je ne vois pas pourquoi je devrais me plonger dans des formations sur la communauté LGBTQIA+. Si je ne comprends pas quelque chose, je demande directement à la personne. C’est elle qui sait mieux que moi, c’est son truc pas le mien…”

“Quand les personnes ne sont pas formées du tout, qu’elles n’ont pas entamé une démarche personnelle de documentation, elles attendent souvent que nous leur apprenions « ce qu’il faut faire » ou « comment ça marche ». Le hic, c’est que souvent ça se traduit par des questions très intrusives, que l’on ne penserait même pas demander à quelqu’un·e se situant « dans la norme ». Ça peut aller du « Comme vous-êtes lesbienne, comment ça se passe dans la répartition des tâches domestiques ? » à des « Mais vous avez transitionné jusqu’où exactement ? »”.

En attendant des personnes LGBTQIA+ qu’elles expliquent « tout », les professionnel·le·s peuvent (et risquent !) de manquer de sensibilité et de compréhension, notamment en ayant recours à des interrogations indiscrètes et inappropriées. Ces personnes, à l’instar de toutes les autres, méritent des interactions respectueuses et informées. L’absence de proactivité de la part des professionnel·le·s dans leur propre information sur ces thématiques spécifiques peut entraver la confiance et le bien-être des personnes LGBTQIA+ cherchant un soutien psycho-sociomédical.

Tout servir sur un plateau d’argent

“J’encourage vivement les personnes LGBTQIA+ à partager leurs expériences avec moi, car cela guidera mes interventions et contribuera à un meilleur accompagnement de ma part. Il n’y a que comme ça que je pourrai améliorer ma pratique.”

“Quand je consulte, je viens chercher du soutien. Je ne suis pas là pour être professeur·e, pour expliquer ce que sont les communautés LGBTQIA+. Beaucoup d’intervenant·e·s sont dans une posture d’ouverture certes, mais dans le sens « réceptive » et non proactive. J’aimerais qu’iels prennent l’initiative de se former, de porter plus attention à nos besoins spécifiques.”

Les personnes LGBTQIA+ se trouvent fréquemment dans la position de devoir expliquer et sensibiliser leur entourage, y compris les professionnel·le·s de la santé mentale ou des secteurs psycho-médico-sociaux, sur les nuances de leur identité et de leurs expériences. Cette « obligation de pédagogie » constante peut engendrer une fatigue émotionnelle significative. En qualité de professionnel·le de ces secteurs, il est important de considérer cette charge émotionnelle supplémentaire et de mettre des choses en place afin de la réduire à son minimum.

Ma réalité n’est pas une option

“Lors de mes études, je n’avais pas projeté travailler spécifiquement avec la communauté LGBTQIA+. Je n’ai pas pris de cours optionnels dans ce domaine, je ne pensais pas que cela serait pertinent pour ma pratique. Quand j’ai commencé à bosser, j’ai rapidement rencontré des personnes LGBTQIA+, dans ma patientèle. J’ai alors compris que mes connaissances étaient trop limitées.”

“J’ai souvent l’impression que ma sexualité est traitée comme une note de bas de page dans les discussions avec des professionnel·le·s de la santé. Comme si leurs cours n’avaient pas abordé ou suffisamment intégré les diversités sexuelles. Dans les faits, cela donne lieu à des moments où ma réalité est abordée rapidement, voire négligée, plutôt que d’être pris au sérieux dès le départ.”

Dans les cursus classiques, que ce soit dans le social, le médical ou les sciences humaines, les thématiques et problématiques des publics LGBTQIA+ ne sont pas spécialement abordées. Quand elles le sont, c’est à l’occasion de cours à option, c’est considéré comme du contenu « additionnel ». Cela limite la compréhension globale des enjeux spécifiques aux personnes de la communauté LGBTQIA+ et crée un risque de lacunes dans la sensibilisation des futur·e·s professionnel·le·s. L’absence d’une intégration transversale dans les matières principales contribue à perpétuer des stéréotypes et des malentendus, laissant ainsi les étudiant·e·s sans les outils nécessaires pour offrir un soutien adéquat à cette communauté dans leur future pratique.

Un label de l’expertise de qualité ?

“J’ai toujours ressenti une forme de frilosité avec les personnes qui se disent expert·e·s de quelque chose. Ça me donne envie de fuir, vite et loin. Selon moi, c’est aux personnes qui viennent me consulter de décider si je suis adéquat·e. Ce n’est pas à moi de me décerner je ne sais quel titre d’expertise, de « bonne formation à ». De manière générale, je préfère dire que je suis sensibilisé·e aux questions de genre. Je laisse ensuite le soin aux personnes concernées de déterminer si mes suivis et mes aptitudes sont suffisantes pour elles.”

“C’est propre à chacun·e, mais moi, ça m’aide que læ professionnel·le pose rapidement sur la table qu’iel n’est pas expert·e sur ces sujets. Quand c’est fait avec humilité, c’est une manière de montrer qu’iel essaie, qu’il y a de la bonne foi et que l’on peut échanger. Ça me sécurise, car je vois dans cette attitude une possibilité de dialoguer réellement. L’important c’est la posture d’ouverture, que l’intervenant·e ait conscience de ses limites et qu’iels soient demandeur·euse et ouvert·e au feedback.”

C’est notamment en adoptant une attitude humble et ouverte que les professionnel·le·s peuvent favoriser un environnement inclusif où les personnes de la communauté LGBTQIA+ se sentent en confiance pour partager leurs expériences et leurs préoccupations. Cependant, il est aussi très important de reconnaître la complexité et la variabilité des parcours individuels afin d’éviter les généralisations préjudiciables. Cela permet également de favoriser une approche centrée sur la personne, où les besoins spécifiques de chacun·e sont pris en compte de manière respectueuse et empathique.

Ce que je sais, c’est que je ne sais pas tout

“Même en ayant suivi plusieurs formations, en me renseignant sur la thématique et en m’y intéressant de près, je ne peux pas tout connaître. Je pense que l’important, c’est de savoir dire « Je ne sais pas », « Je dois me renseigner », « vous me posez une colle, j’ai besoin de solliciter l’avis de quelqu’un·e d’autre ». C’est OK. Il faut pouvoir quitter une position de « professionnel·le qui sait », pour accepter de se tromper, d’aller à la rencontre de l’autre et de son expérience inédite.”

“Je n’ai pas de problème à être reçu·e par une personne non-concerné·e, pour peu qu’elle adopte une posture de curiosité saine, d’intérêt sincère et qu’elle se remette en question. Il est important qu’elle reconnaisse ses limites et qu’elle puisse m’orienter ou me recommander à d’autres professionnel·le·s au besoin.”

Chaque personne est unique, et les expériences situées des membres de la communauté LGBTQIA+ aussi. Que les questions soient liées à l’identité ou l’expression de genre, à l’orientation sexuelle, ou à d’autres aspects de la vie, personne ne peut prétendre détenir une connaissance exhaustive de toutes les réalités vécues ou rencontrées par les personnes LGBTQIA+. Le fait de bien avoir conscience de ses limites et de pouvoir le dire favorise l’alliance thérapeutique. Cela encourage également une approche collaborative de l’échange, chacun·e apprend de l’autre dans un intérêt sincère.

Pas là pour se faire engueuler

“J’ai déjà eu plusieurs fois envie de me former, mais je me sens découragé·e et j’ai un peu « peur » de me faire malmener. Je n’en peux rien si je suis né·e dans une situation qui fait que « je suis dans la norme ». Quand j’entends parler d’oppressions, de violences, de privilèges, j’ai l’impression que ça ne sera jamais assez bien et que je n’y peux rien. Et je n’ai pas envie d’aller me faire reprendre sur chacun des mots que j’utilise ni d’avoir peur d’exprimer ce que je pense. Je me sens coincé·e, ce n’est pas que ça ne m’intéresse pas ou que je ne veux pas… Mais je n’ai pas envie d’aller me faire secouer.”

“Quand je sollicite de l’aide à un endroit, que ce soit pour du médical ou pour ma situation administrative, je n’ose pas reprendre læ travailleur·euse s’iel me mégenre. J’ai peur que ça se passe mal, qu’iel se vexe, qu’iel soit agacé·e et que le suivi en soit impacté. Quand je sens que la personne a une posture stricte, fermée, je ne tente même pas d’intervenir ou d’expliquer. Je n’ai pas envie qu’iel m’envoie bouler, ou pis, qu’iel me fasse sentir qu’on s’en fout.”

Personne ne gagne à mobiliser son énergie à malmener les autres, et certainement pas les travailleur·euse·s, souvent bénévoles, qui investissent du temps et de l’énergie à préparer et donner des formations ou à transmettre des contenus à visée pédagogique. Comme souvent lorsque l’on se trouve dans la position du nanti, du « bon côté de la barrière », sur le versant de la majorité bénéficiant de privilèges, l’on craint la manière dont la partie minorisée, opprimée par nos privilèges dont elle ne jouit pas, va réagir.

Dans une démarche de découverte permanente, si l’on démontre de la volonté de se lancer dans un processus d’apprentissage, de manière intéressée et avec implication, il y a fort à parier que les interlocuteur·trice·s seront davantage content·e·s de partager leurs connaissances que motivé·e·s par quelconque envie de vous secouer.

Que retient-on de tout cela ? 

Le travail dans les métiers de l’écoute, de la relation d’aide, de l’accompagnement social, médical ou psychothérapeutique nécessite une posture adéquate, caractérisée par des valeurs telles que la bienveillance, l’accueil inconditionnel, la transparence, l’écoute et le respect de l’autre. Cependant, lorsqu’il s’agit de travailler avec des personnes LGBTQIA+, des éléments supplémentaires, tant théoriques que pratiques, sont essentiels pour garantir un suivi de qualité.

Certains professionnel·le·s adoptent une approche proactive en cherchant activement à se former et à comprendre les spécificités de la communauté LGBTQIA+. Cela favorise une meilleure prise en charge et un accompagnement adapté. En revanche, l’absence de formation ou d’engagement personnel peut conduire à des questionnements indiscrets et inappropriés, mettant en lumière le besoin crucial de sensibilisation continue.

La charge émotionnelle supplémentaire imposée aux personnes LGBTQIA+ lorsqu’elles sont constamment sollicitées pour expliquer leur identité et leurs expériences nécessite une réduction de la part des professionnels. Il est impératif que ces derniers reconnaissent cette responsabilité et s’engagent dans des démarches formatives pour éviter des interactions maladroites ou discriminatoires.

L’humilité et l’ouverture sont des attitudes clés pour établir une relation de confiance. Reconnaître ses limites, être curieux sans prétendre à une expertise totale, et être réceptif au feedback des personnes LGBTQIA+ contribuent à créer un environnement inclusif et respectueux.

En somme, la formation continue, l’humilité et l’ouverture sont des « ingrédients » cruciaux pour enrichir la pratique professionnelle et assurer un suivi de qualité aux personnes LGBTQIA+, favorisant ainsi une compréhension approfondie et respectueuse de leur diversité.

Que mobiliser ?